Date de publication : 12 Decembre 2022
Robert Kelty, chef du développement et des relations extérieures pour le Baccalauréat International (IB)
Note de la rédaction : cet article est paru dans le Wonkathon 2022 du Fordham Institute, qui demandait aux personnes qui y ont contribué de répondre à une question fondamentale et stimulante : « Comment les États peuvent-ils supprimer les obstacles politiques qui empêchent les spécialistes de l’éducation de réinventer les établissements de deuxième cycle du secondaire ? » En savoir plus
Les États-Unis sont à la recherche de réponses dans le domaine de l’éducation. Chaque semaine la presse répète inlassablement la même idée dans ses gros titres : les élèves des communautés marginalisées des États-Unis continuent de prendre du retard par rapport à leurs pairs du monde entier. Si l’on se contente de lire les gros titres, le corps enseignant et les élèves se retrouvent dans une situation de déclin perpétuel dans les évaluations normalisées, au niveau de chaque État et au niveau fédéral, ce que confirme d’ailleurs l’évaluation nationale des progrès dans l’éducation de 2022. Les articles se poursuivent sans proposer de solutions tangibles sur la façon de transformer un système qui a le potentiel d’être transformateur.
Néanmoins la façon de penser est en train de changer. Cette tendance est assez nouvelle pour les établissements scolaires américains, mais elle est nécessaire si nous voulons parvenir à une transformation nationale. Elle consiste à passer du paradigme traditionnel de l’ère industrielle à un paradigme centré sur l’élève et reposant sur la recherche.
Les modèles d’apprentissage reposant sur la recherche vont à l’encontre du paradigme scolaire de l’ère industrielle. Comme l’indique le récent rapport Out of the Box: How Innovative Learning Models Can Transform K-12 Education (Comment des modèles d’apprentissage novateurs peuvent transformer l’enseignement primaire et secondaire), ce que nous faisons dans les salles de classe ne fonctionne tout simplement pas à grande échelle. Des attentes élevées, la croyance en chaque élève et des normes élevées sont toutes des stratégies essentielles, mais elles passent à côté de ce que la recherche et un grand nombre de spécialistes de l’éducation recommandent : s’éloigner de l’enseignement direct, démotivant et monolithique, et plutôt se diriger vers la notion d’apprendre à apprendre. Un extrait du rapport explique :
« Notre choix au niveau national est clair : soit nous pouvons continuer à définir le changement comme il l’a été au cours des quarante dernières années, c’est-à-dire en acceptant tacitement que le paradigme industriel de l’enseignement reste la meilleure façon de proposer l’éducation et en nous concentrant sur l’optimisation de son impact en essayant d’améliorer progressivement ses éléments fondamentaux, soit nous pouvons étudier la possibilité de transformer le paradigme industriel lui-même. Même s’il a été conçu il y a plus d’un siècle, le carcan qu’il a créé a fortement limité l’incidence des efforts louables visant à une amélioration systémique. Pour dépasser ces limites inhérentes, il faut entreprendre une modernisation consistant à concevoir un nouveau paradigme de l’enseignement scolaire qui réinvente totalement la salle de classe elle-même afin que chaque élève puisse exprimer tout son potentiel. » (p. 17)
Au Baccalauréat International (IB), nous sommes tout à fait d’accord avec cette approche. L’apprentissage reposant sur la recherche et la notion d’apprendre à apprendre constituent depuis plus de 50 ans le cœur du système éducatif de l’IB, à commencer par le Programme du diplôme. D’importantes recherches montrent que l’apprentissage reposant sur la recherche est un outil extrêmement efficace : les élèves réagissent à leurs propres curiosités, identifient et résolvent des problèmes, et on leur enseigne les habitudes et les compétences nécessaires pour le faire de leur propre initiative.
L’éducation a trop souvent été un exercice passif, avec un programme d’études statique qui ne tient pas compte des points forts et des besoins individuels des jeunes élèves. Cette approche n’est plus acceptable dans la salle de classe et le contexte économique. Si les réformes récentes ont accru la responsabilité des établissements scolaires, les systèmes d’évaluation qui renforcent les compétences traditionnelles favorisent un enseignement manquant cruellement d’inspiration. L’apprentissage reposant sur la recherche est désormais présent dans près de 2 000 établissements du Baccalauréat International aux États-Unis et plus de 5 600 dans le monde. Il y a dix ans, l’IB a lancé le Programme à orientation professionnelle qui propose un parcours diplômant ambitieux. Il met l’accent sur les compétences et les capacités personnelles et professionnelles afin d’accélérer la préparation à l’enseignement postsecondaire tout en accélérant les parcours professionnels et l’obtention de diplômes. Plusieurs de nos élèves ont fait carrière dans la gastronomie, l’automobile, l’informatique et même dans le domaine médical grâce aux expériences professionnelles acquises dans le cadre du programme. De plus ces compétences acquises sont transférables dans toutes les voies que nos élèves choisissent de suivre après l’obtention de leur diplôme. Pourquoi ? Le Programme à orientation professionnelle est destiné aux élèves qui souhaitent aussi bien poursuivre des études universitaires que démarrer une carrière professionnelle, car non seulement il est ancré dans les concepts de l’apprentissage reposant sur la recherche, mais il prépare également les élèves au marché du travail.
Comme l’explique le rapport Out of the Box, il faut du temps, de l’engagement et des capacités de direction authentiques pour abandonner les pratiques obsolètes ancrées dans l’ADN des établissements de l’ère industrielle au profit de celles reposant sur la recherche. Les transitions transformationnelles prennent du temps, mais l’IB et d’autres modèles d’apprentissage innovants montrent que la transformation des établissements scolaires est possible, notamment lorsque l’apprentissage reposant sur la recherche constitue la base de l’enseignement du préscolaire au postsecondaire.
L’IB fournit une infrastructure éducative logique : le programme d’études reposant sur la recherche déjà mentionné, ainsi qu’un système d’évaluation complet conçu pour imposer des normes rigoureuses aux élèves et aux établissements, un perfectionnement professionnel qui met l’accent sur la place centrale de l’élève dans l’apprentissage, la mise en avant d’une autoréflexion et d’une amélioration continue de l’établissement pour répondre à des aspirations éducatives de niveau mondial, et une formation aux fonctions de direction pour que tout cela se réalise.
Des recommandations en matière de politique peuvent accélérer la transformation. Que ce soit au niveau de l’État fédéral, des États ou sur le plan philanthropique, le financement de modèles d’apprentissage revus est le moyen le plus rapide d’y parvenir. Ensuite il est essentiel de disposer de politiques autorisant une certaine flexibilité dans l’évaluation. Nous savons que, comme les résultats de la responsabilité motivent les chefs d’établissement et le personnel enseignant, la façon dont l’apprentissage est mesuré déterminera ce qui est enseigné. Comme l’a dit un ancien responsable de l’évaluation de l’IB : « Vous obtenez ce que vous testez. » Les établissements qui adoptent des approches d’apprentissage innovantes ne devraient pas être limités par une évaluation de type industriel. Dans l’État de New York, Performance Learning and Assessment Pilot (PLAN), un projet pilote d’apprentissage et d’évaluation des performances, est un parfait exemple d’un État chef de file sur cette question clé, qui utilise l’IB pour lancer une refonte des conditions d’obtention de diplômes. Plusieurs autres États encouragent les élèves à se concentrer sur l’obtention du diplôme de l’IB, qui met l’accent sur l’apprentissage reposant sur la recherche, en tant que parcours parallèle à l’obtention d’un diplôme de l’enseignement secondaire. Ces États avant-gardistes proposent également des incitations supplémentaires pour motiver les élèves à relever le défi scolaire que constitue un parcours au sein du système éducatif de l’IB en les récompensant par des crédits universitaires reconnus par leur système d’enseignement supérieur public. Enfin, les États-Unis pourraient accélérer le changement grâce à des zones d’innovation et d’autonomisation des établissements scolaires et construire des infrastructures innovantes à l’aide d’autres approches de refonte de leur système.
Prendre les rênes du changement, en particulier dans les établissements qui cherchent à sortir du moule, constitue une tâche difficile. Il est essentiel de créer les conditions idéales en matière de politique et d’évaluation permettant de passer du paradigme de l’ère industrielle à un modèle reposant sur la recherche pour que la transformation des établissements puisse avoir lieu à l’échelle nationale. Un tel environnement politique permettrait aux États-Unis de tourner la page et passer du statut de pays perpétuellement à la traîne à celui de chef de file mondial de l’éducation publique.
À propos de l’auteur
Titulaire d’un doctorat en éducation, Robert Kelty est responsable en chef du développement et des relations extérieures pour le Baccalauréat International (IB).